mercredi 26 octobre 2011

Lettre ouverte à nos élus



Les urnes ont dévoilé leur contenu. La grande majorité des tunisiens ont voté massivement pour le parti islamiste Ennahdha. Trois  partis historiques ont pu obtenir la faveur de l’électeur mais avec beaucoup moins de suffrages, le CPR, Ettakatol, et avec un score encore limité, le PDP. Deux nouvelles formations ont pu émerger du lot à savoir, Elarrridha de l’expatrié Mohamed Hamdi qui dispose de la chaine Elmoustakila et Elmoubadara de Kamel Morjéne implanté surtout au Sahel.
Bien que n’appartenant à aucun parti et ayant  voté PDP, je ne peux que féliciter Ennahdha pour cette déferlante électorale bien qu’entachée de certaines  irrégularités, parfois très graves,  qui ne peuvent cependant mettre en doute son succès. Tout citoyen doit l’aider dans son action car elle n’a pas d’expérience en matière de gestion de l’Etat. C’est un devoir national
Pourquoi Ennahdha a réussi un tel  score?
La grande question est de savoir pourquoi Ennahdha a réussi un tel score et pourquoi les partis anciens ont obtenu des scores moindres ou ont été laminés comme les listes indépendantes fort nombreuses et parfois ne reflétant aucun sérieux dans leurs programmes (tunnel entre la Tunisie et l’Italie).
La surprise de cette élection est l’émergence  d’Elariadha dont l’initiateur est originaire de la région de Sidi Bouzid. Il a pu obtenir des sièges, un peu partout dans le pays, en raison de ses propositions qui promettent notamment la gratuité de la santé à tous au vu de la carte d’identité, une allocation chômage et le transport gratuit pour les vieux. Il a fait sa campagne depuis Londres et il a pu devancer Ennahdha à Sidi Bouzid, sa ville d’origine. En ciblant les préoccupations du citoyen démuni et avec un matraquage médiatique Elaridha a été plus performante que les vieux partis.
Pour Ennahdha, à mon humble avis, il y a de nombreux facteurs qui pourraient expliquer le raz de marée inquiétant de ce parti.
D’abord, ce parti a su jouer sur la fibre religieuse en se présentant comme le rempart efficace contre les attaques des partis qui défendent la « laïcité ». Ces derniers aidés par la société civile et certains médias   ont axé leur campagne sur le choix de société et se sont hasardés à présenter, au nom de la liberté  absolue d’expression, des films qui touchent au sacré. Plus d’un citoyen Nahdhaoui  ou non s’est senti menacé dans l’un  des éléments fondamentaux de son identité. Dans ce cadre, les femmes démocrates ont osé réclamer bruyamment l’égalité dans l’héritage alors que les textes coraniques ne le permettent pas et  sans que  cette revendication intempestive ne constitue un véritable besoin  et peut être, par ailleurs, satisfaite, sans recourir à la loi. C’était donc un acte manifestement provocateur.
 Alors que les partis discutaient de problèmes n’entrant pas dans les préoccupations du quotidien, Ennahdha continuait de tisser sa toile en multipliant ses actions bienfaitrices de proximité qui mettaient un baume sur des blessures ouvertes depuis l’indépendance. Ainsi, Ennahdha,  bien implantée dans les banlieues pauvres, a aidé financièrement  bien des familles nécessiteuses, et a pu même  aider leurs enfants à se circonscrire et même se marier.
Les partis ont eu la maladresse politique de traiter ces actions de démagogiques alors qu’elles entraient dans le cadre d’un islam solidaire. Ennahdha s’est inspiré intelligemment du Hamas et du Hezbollah ! L’argent ne manquait pas pourtant de l’autre côté comme le traduisaient les meetings politiques à l’américaine de certains vieux partis et leurs affiches publicitaires insolentes.
Les partis ont présenté  Ennahdha  comme un parti  pouvant ramener le pays à des années en arrière en appliquant la Chariaa et en revenant sur les acquis. Elle a pu réfuter cet argumentaire en faisant du porte à porte à l’occasion de ses actions bienfaitrices. Par ailleurs, il n’est pas exclu qu’Ennahdha ait pu mobiliser la rue en recourant aux « salafistes » pour manifester contre certains films.Mais, seules les autorités publiques seraient en mesure de le prouver.
Certains, comme l’éminent historien Monsieur Mohamed Taalbi qualifie le premier responsable d’Ennahdha de  « Salafiste » et il n’y a qu’un pas pour dire qu’ils   sont descendus dans la rue sous son instigation lorsque le sacré a  été profané et se sont abstenus curieusement de le  faire lors des élections alors que pour certains « salafistes »  les élections sont contraires à la religion. Si cela est inexact, il appartient à ce mouvement de se démarquer nettement des « salafistes ». 
Ennahdha a pu aussi gagner haut la main ces élections parce que c’est un parti qui a payé un lourd tribut et a acquis une organisation dans la clandestinité et ses troupes sont disciplinées. Il a pu les placer un peu partout, particulièrement dans les mosquées et même au moment du déroulement du scrutin pour continuer à exercer une pression morale sur les électeurs surtout analphabètes et il y en a. Après cinquante-cinq d’indépendance, nous avons  constaté que nous avons encore des analphabètes et c’est déplorable  !
Un autre facteur capital est l'appel d'Ennahdha à un retour aux valeurs morales dans une société qui a perdu son échelle de valeurs bien qu'étant  d'essence arabo musulmane.La corruption,le vol,le mensonge,les passes droits,l'inobservation des règles déontologiques, le recours de la jeunesse aux fausses copies à l'école et à la fac,le recours aux stupéfiants, sont des maux qui rongent notre société et auxquels nous nous habituons de plus en plus.
Ajoutons un autre facteur, non moins important, qui a joué en faveur d’Ennahdha. C’est l’état  de notre société que viennent de révéler   ces élections. Malgré les progrès réalisés par la généralisation de l’enseignement, il y a réellement un large déficit culturel qui explique, en partie, le déracinement  d’une fraction de la société, dite « laïque », et particulièrement des jeunes, qui croit bien faire en rejoignant aveuglément l’occident.Il y a aussi,  une  large couche de la société qui traine à se mettre au diapason des évolutions nécessaires et se réfugie dans une certaine lecture de l’Islam. Car comment expliquer qu’un citoyen soit facilement convaincu de voter pour Ennahdha si on lui dit qu’elle est plus proche de Dieu que le reste des partis !En effet, le raz de marée s’explique par le raisonnement simpliste qu’en dehors d’Ennahdha il n’y point de salut  ! Bien du pain sur la planche !
Enfin un dernier facteur. La campagne électorale n’a pas donné lieu, sur les médias, à un véritable débat d’idées et de programmes entre les    tenants des deux choix de société. Cependant, des tentatives de dernière minute ont été faites par certaines radios et certains ont refusé cette confrontation.
En conclusion
C’est donc une conjonction de facteurs qui pourraient expliquer la réussite fulgurante de la campagne d’Ennahdha, à savoir, la défense d’un Islam qui s’est senti menacé, à tort ou  à raison, sur ses propres terres, la défense des valeurs islamiques,sa politique de proximité qui cadre avec la solidarité islamique, le tribut payé dans les geôles et l’exil, son organisation redoutable, le déficit médiatique du à l’organisation de la campagne en raison du trop grand nombre de partis  et enfin le retard manifeste d’une grande partie de la société tunisienne. Telles sont les raisons, à mon humble avis, qui ont fait qu’Ennahdha a gagné la bataille.
Après les élections, que faire?
Aux partis perdants de faire une analyse serrée des résultats du scrutin et de procéder aux révisions nécessaires. Parmi les décisions qui devraient être prises courageusement, figurent l’abandon de l’arène politique, pour certains et la réalisation pour d’autres, de certains regroupements de la gauche progressiste démocrate,  sur des bases solides. Il va sans dire que les cadres  des partis doivent être rajeunis.
La seconde question est de savoir ce que le citoyen  tunisien est en droit d’attendre particulièrement d’Ennahdha et ses alliés une fois à l’Assemblée Nationale Constituante ?
 D’après son programme politique, le lecteur arrive à la conclusion que le régime "parlementaire" qu’elle a choisi lui permettra de concentrer le pouvoir entre ses mains puisqu’elle nommera aussi bien le Président de l’Assemblée , que le Président de la République, le Premier Ministre,  et le Président du Conseil Constitutionnel  et que sais-je encore ? En filigrane se profile une dictature. Comme le citoyen  qui a voté pour Ennahdha ne l’a pas certainement fait pour son programme, ce parti  qui a, enfin, la légitimité, doit l’adapter  en tenant compte de la position des autres partis à l’intérieur et à l’extérieur de l’Assemblée et ce dans l’intérêt du pays.
Le projet de texte constitutionnel doit recueillir ensuite l’assentiment de la grande majorité des tunisiens qui devront le discuter au sein de commissions locales et régionales parrainées par des experts qui devront présenter le pour et le contre de chaque proposition.
A cet égard, le recours au référendum est un non-sens car on ne peut demander à tout un peuple de répondre par un oui ou un non à un texte d’au moins quatre vingt articles.
La seconde attente et la plus urgente est celle de nos choix économiques. Un signal clair doit être adressé à l’investisseur local et étranger.
Le pragmatisme politique qui manque curieusement à Messieurs Laaridh et Marzougui (Emission sur la TV nationale le 25 octobre ) et qui n’augure rien de réconfortant puisque l’un d’eux parle « d’audit et de truquage des chiffres » est de se pencher, sans tarder, sur le programme économique (2012/2016) et financier du Gouvernement  sortant   en s’aidant des experts qui l’ont façonné et d’autres qui ont souhaité lui apporter certains aménagements tel que Monsieur  Chedli Ayari. L’assemblée Nationale Constituante   discutera ce projet aménagé et l’approuvera. Mieux que des professions de foi, l’adoption de ce projet par la Constituante est de nature à lever les réticences des uns et des autres et à  libérer les énergies nécessaires à la relance, combien nécessaire, de l’économie.
Dans ces conditions et vu que le cadre est balisé, la nomination d’un Gouvernement (union nationale ,technocrate ou autre) n’a pas une grande importance pourvu que l’Assemblée arrive à faire le choix sur la personne idoine à savoir une personnalité intègre qui a une formation économique doublée d’un politique. Il devra  choisir son équipe et  rendre des comptes à l’Assemblée.
Il faut qu’Ennahdha sache que sans relance il n’y aura pas d’emplois et la politique facile de distribution d’argent sans être accompagnée par la production de biens  et de services,  a une limite. La Caisse Générale de compensation est actuellement un véritable gouffre.
L’idée de Monsieur Marzougui d’ouvrir des ateliers régionaux pour arrêter les stratégies à suivre, dans les divers domaines  de l’économie, de l’éducation, de  la santé, de la culture etc (pourvu qu’elles se fassent sur la base d’avant projets préparés par l’Administration qui a les chiffres et les compétences pour le faire) est excellente mais elle ne devra pas entraver l’action gouvernementale.
Encore une fois mes félicitations aux élus et retroussons nos manches, le bout du tunnel est encore loin !

mardi 25 octobre 2011

Libye attention !


Je dis aux dirigeants libyens attention aux positions extrémistes. Nous avons fondé de gros espoirs sur la révolution libyenne que nous  soutenue de toutes nos forces. Les tunisiens pensent encore aujourd’hui qu’il est possible de constituer effectivement une zone de libre-échange entre nos deux pays, voire même, une union économique et monétaire ne pouvant reposer que sur le respect des libertés. Mais nous voyons, d’ores et déjà, planer quelques nuages annonciateurs de forces tirant la Libye vers l’arrière. A cet égard, mes craintes se fondent sur deux décisions  que viennent de prendre les autorités politiques du pays. La première est l’enterrement en plein désert de Kadhafi sans la présence des siens. Nonobstant le fait que ce personnage est un tyran et a les mains tâchées de sang, le vainqueur n’a pas le droit de traiter ainsi un cadavre. Ce traitement barbare est contraire à nos principes religieux. La seconde décision grave est l’annonce de l’application de la loi islamique notamment en matière de statut personnel et  de taux d’intérêt. A l’actif de Kadhafi figure l’interdiction de la polygamie et le recours aux tribunaux pour le divorce !  Je constate, que sous la pression des oulémas libyens, il y a, précipitamment, un retour en arrière et c’est dangereux .Quant au remplacement des banques classiques par des banques islamiques, la décision n’est pas réfléchie. Nonobstant le fait qu’il y a une sacrée différence entre le taux d’intérêt et l’usure, il fallait plutôt faire coexister les deux systèmes et c’est au citoyen de choisir sa banque.