Le pays souffle enfin. Il y
a un gouvernement au complet, en place, après le vote de confiance de l’ARP du
12 septembre 2017.
On peut reprocher, à juste
titre, que Carthage et la Kasbah aient
mis la charrue devant les bœufs. La charrue est bien là et les bœufs aussi et
c’est l’essentiel. Le citoyen lamda, et même les médias, commencent à avoir les
grandes lignes du programme de la nouvelle équipe tracé par le chef du
gouvernement et complété par son conseiller économique monsieur Ridha Saidi. La
version finale apparaitrait le 26 septembre après que les partis auxquels la
feuille de route ait été remise
ajouteraient leurs observations, avant le 20 de ce mois.Mais comme le chef du
Gouvernement, du haut de la tribune de l’ARP, a tendu, à deux reprises, la main
à tous ceux qui pouvaient apporter une plus-value, on est en droit de se
demander si les services du Premier Ministère enverront aux experts un
exemplaire de ce document et pourquoi pas ne pas le publier dans les colonnes
des journaux.
Sur la composition et la structure du staff, je ne comprends pas
qu’on ait confié des départements économiques sensibles à des personnalités qui
n’ont pas encore acquis l’expérience nécessaire. Je ne pense pas que ce soit
l’idée du chef de Gouvernement, mais plutôt celle de BCE qui, comme Bourguiba,
n’a pas malheureusement une expérience économique et pour qui, le politique
prédomine.
Je ne comprends pas aussi
que la femme soit quasi absente malgré les textes et l’éloge qu’on en fait. C’est
là aussi où le politique est intervenu.
J’accepte difficilement que
ce ne soit pas un gouvernement restreint et plus efficace où, par exemple, un
Ministère de l’économie qui regrouperait, les Finances, l’investissement et la
coopération internationale.
Quant à madame Sara Rejeb
qui a eu, en apparence, le moins de voix ( 124, alors que d’autres, parmi les secrétaires
d’Etat, ont eu entre 141 et 147 voix) je dis qu’elle doit tenir compte du fait
qu’en début de séance, il y avait 178 députés et qu’à la fin, ils n’étaient que
161, c'est-à-dire que 17 députés, par irresponsabilité politique, ont quitté la
salle avant la fin du vote et que, s’ils avaient voté, il est très possible, qu’elle
aurait atteint 141 voix !
Enfin, l’ARP devrait tenir
compte dans l’amendement de son règlement intérieur de la nécessité de tenir
compte du facteur temps.
Il n’est plus concevable de faire perdre à un ministre,
surtout par temps de crise, un temps fou lorsqu’un député éprouve le besoin de le soumettre à un interrogatoire public. Cela
pourrait se faire par écrit ou dans son bureau pour un temps déterminé. Pire
encore, la séance du vote de confiance du 11 septembre a duré de 10 h à minuit
ou presque ce qui est vraiment pénible pour tout le monde alors que les blocs
parlementaires auraient pu préparer par écrit leurs questions et designer l’un d’eux pour exposer publiquement leurs points
de vue.
Ce qui est fait est fait. On
ne peut que souhaiter au gouvernement de Monsieur Chahed de réussir sur tous les plans. C’est notre
chance.
Il y a cependant les
« lignes rouges » qu’il lui faudrait franchir car il y va de
l’intérêt du pays.
Déjà, un carré d’environ 25 députés dont ceux, bien
entendu, du Front populaire, n’ont pas
osé donner leur confiance au remaniement
pour les raisons surtout idéologiques
que nous connaissons tous, quitte à lui demander des comptes après.
Il y aura également ,demain
sur le terrain, une UGTT dont plus d’un
adhérent est de gauche et qui est prompt
à évoquer les « lignes rouges »
en matière de salaires, de restructuration des entreprises publiques, de
caisses de sécurité sociale , de subvention de certains produits et j’en
passe.
Si demain ces forces vont
invoquer les « lignes rouges » à ne pas franchir, le pays ne
sortira pas de l’auberge.
Certains, à l’UTICA, parlent,
à juste titre, de l’urgence qu’il y a, à établir un « contrat de responsabilité »
entre toutes les parties à savoir, organisations et partis politiques.
Cependant, pour y parvenir, il faudrait, outre, la conscience que le pays est
dans une véritable crise qui empire et le sens de la responsabilité politique
envers ce peuple, une connaissance, même élémentaire, des règles économiques qu’un
responsable ne doit pas ignorer.
Pour une fois, qu’on ait
dépassé le rafistolage et qu’on ait la volonté d’engager des réformes, il est
nécessaire que le citoyen, à quelle que couche sociale qu’il appartienne,
accepte, de plein gré, les sacrifices équitables et provisoires à consentir, le
temps que redémarre l’économie, qu’une nette
croissance ait lieu justifiant
une redistribution équitable des richesses une fois produites.
Je vous avoue que c’est en
suivant une émission radiophonique de Si Boubaker Acacha qui a invité
Messieurs, Fethi Nouri économiste, Ridha
Saidi, conseiller économique auprès du Chef du Gouvernement et Nafaa Enneifer, responsable à l’UTICA, que
j’ai eu l’idée de rédiger cet article.
J’ai voulu suggérer, par mes
propos, que ce Gouvernement ne réussira sa « guerre », à moindres
frais, que s’il arrive à associer les médias à son action et qui l’aideront à lever les « lignes rouges ».
La multiplication de ce genre de débats,
associant des personnalités d’envergure et dirigés par des professionnels, sont les seuls en mesure de porter à la
connaissance du peuple et des bases syndicales les règles élémentaires de l’économie
qui permettent de comprendre certaines
décisions qui font parfois mal. Cela nous aidera tous à ne parler que de ce que
nous savons, au lieu de dresser des « lignes rouges » qui font rire d’étonnement.
Les responsables politiques et syndicaux, à quelque
niveau qu’ils soient, doivent avoir la modestie de les apprendre et de les
communiquer autour d’eux dans leur intérêt et de celui des causes qu’ils
défendent.
Sous d’autres cieux, les
syndicats acceptent une diminution provisoire de salaire pour que leur
entreprise reste debout, font leur grève un brassard au bras sans arrêter la
production ou les services. Ici, sous le fallacieux prétexte de la liberté de
protester, on ferme les yeux sur de jeunes irresponsables qui osent, en toute impunité, fermer les
vannes des conduites de transport du pétrole
ou du gaz ou qui, pour un rien, bloquent le transport de phosphates comme aujourd’hui.
A l’ARP, certains osent bloquer la loi d’urgence économique si
elle devait bénéficier à des investissements privés !
Bien des barrières et des « lignes rouges »
doivent être courageusement franchies. C’est une question de vie ou de mort.
12/09/2017
Mokhtar El KHLIFI