18/01/2016
Plus d’un a été surpris par le témoignage de Si Mohamed Talbi, lors
de sa réapparition sur une chaîne TV ce samedi 16 janvier, à l’occasion de la
parution de son nouveau livre. Un témoignage émanant d’un de nos éminents
penseurs a certainement son impact sur l’auditeur. S’il est faux, son impact
est négatif surtout sur les jeunes. Ceux qui n’ont jamais aimé Bourguiba, le «
despote éclairé », ce témoignage ne manquera pas de leur apporter de
l’eau à leurs moulins.
D’emblée, je lui dis qu’il n’a pas à entacher la mémoire d’un mort qu’il a
pu côtoyer et lui dire de vive voix courageusement ce qu’il en pense. Talbi ne
manque pas de courage.
Il ne l’a pas fait hier, mais pourquoi le fait-il aujourd’hui ?
Dieu merci, c’est une impression qu’il a cherché à fonder sur des arguments
un peu trop superficiels ce qui étonne de la part d’un savant ayant écrit de
nombreux livres.
Ce n’est pas parce que Bourguiba n’a pas déclaré qu’il était un
musulman qu’il serait un non musulman.
Je ne suis pas de taille à me mesurer à Si Mohamed au point de vue
érudition ou de l’histoire religieuse.
Mais, par exemple, je peux contester le fait qu’il rejette en bloc la « chariia » parce qu’elle est une œuvre
humaine ce qui l’a poussé à ne croire que dans le Coran.
Il oublie, néanmoins, que la Coran est, certes, la parole de Dieu,
mais elle a été recueillie, bien postérieurement à la mort de notre
Prophète vénéré Mohamed par des hommes qui auraient, selon d’éminents penseurs,
au moins, déplacé certains versets de leur place réelle.
Ces éminents penseurs nous invitent à « relire » notre Livre Sacré et ce
n’est pas là un blasphème.
Que Monsieur Talbi provoque un débat public entre lui et Si Youssef Essedik
et l’auditeur sera averti sur la position à prendre. Ce genre de débats manque
cruellement dans ce pays.
Un livre, croyez-moi, est parfois difficile à lire !
Si les peuples « dits musulmans » veulent rattraper le monde « civilisé »,
ils se doivent, impérativement de« relire » leur Chariaa et leur Coran.
Que Dieu me pardonne si j’ai pu commettre, aux yeux du lecteur, un
blasphème. Fermons la parenthèse.
Peut-on affirmer que Bourguiba n’était pas musulman ? Personne ne le peut.
Je n’ai pas eu l’honneur de côtoyer Bourguiba, mais d’autres ont été ses proches collaborateurs et en particulier, Si Chédli Klibi et le Dr Amor Chédli.
Je n’ai pas eu l’honneur de côtoyer Bourguiba, mais d’autres ont été ses proches collaborateurs et en particulier, Si Chédli Klibi et le Dr Amor Chédli.
Ont-ils un jour écrit ou suggéré que Bourguiba n’était pas un musulman ?
Allez les interroger. Ils sont encore en vie et que Dieu le Tout Puissant les
garde en bonne santé !
Mais, J’ai écouté, dans ma jeunesse, les nombreux discours de Bourguiba
lesquels ont participé à ma formation politique et à ancrer au plus profond de
moi-même, l’amour de mon pays, et à ce titre, je lui en suis très
reconnaissant.
A aucun moment je n’ai perçu que la haute idée que Bourguiba se faisait de
lui-même et son assurance, l’aient poussé à ôter à notre Prophète Mohammed son
caractère sacré et à se mesurer à lui.
J’ai accepté qu’il nous rappelle que Mohamed est avant tout un homme et
qu’il peut commettre des erreurs. Dans le Coran, il y a des versets où Dieu le
rappelle à l’ordre ce qui ne le diminue, d’ailleurs, en rien. Il demeure pour
nous tous un exemple à suivre. C’était un homme mais un homme choisi par Dieu
pour porter un message.
Bourguiba, a voulu tout simplement dire (au Palmarium ?) que le
Coran s’est adressé aux peuples contemporains de Mohammed et que Dieu en
désignant l’homme comme son seul « héritier sur terre » en le créant libre, en
le dotant de l’intelligence et en faisant de Mohammed le dernier des Prophètes,
a mis sur nos petites épaules une lourde responsabilité (Amana) que les
montagnes ont refusée de prendre.
Pourquoi refuserions-nous ce statut privilégié que Dieu nous a confié et
n’userions-nous pas de notre matière grise?
Donc, il nous appartient d’user de notre liberté et de nous adapter aux
situations dans lesquelles on peut se trouver.
Cette liberté va jusqu’à permettre à chacun d’entre nous de suivre sa voie
et d’accepter les conséquences de son choix, le jour du jugement dernier
( lire sourate El kaaf).
Dans ce cadre, Bourguiba a eu le courage de demander à ceux qui ne
pourront pas concilier l’obligation de jeûner avec celle de continuer de
travailler sans porter atteinte à la productivité, de rompre le jeûne.
Un de ses Khalifes, a usé de cette dérogation. Vient-il à l’esprit de
l’un d’entre nous de taxer Omar de non musulman ?
Bourguiba était en avance sur son siècle et son peuple intellectuels
inclus. Nous vivons aujourd’hui des choix que Bourguiba aurait remis à plus
tard mais la foule vous impose parfois de les faire.
J’ai retenu des discours de Bourguiba qu’il a consacré à sa jeunesse et sa
vie à « vivre pour autrui » et il aimait rappeler cette devise d’Auguste
Comte. Il est mort sans le sou et a empêché, pour des raisons politiques, son
fils d’acheter une villa à crédit!
N’a-t-il pas été offusqué par le discours des « Eucharistiques » qui se
sont déployés avec leur croix dans l’Avenue principale et y ont érigé une
statue du Cardinal Lavigerie?
Qui nous en a débarrassé après un combat de « 25 ans de lutte pour une
coopération libre » avec la France?
Rien que pour cela, Bourguiba, en évitant à ce peuple de subir la
chrétienne, a montré qu’il était musulman par les actes.
Il a refusé aussi que les tunisiens naturalisés soient inhumés au jellaz,
avec les musulmans. Il y a eu des protestations qui se sont soldées par
des morts et finalement, un coin, oui un coin du cimetière, a été réservé à ces
naturalisés. La
Résidence Générale s’étant enfin pliée à cette demi-mesure, ce qui a
contribué à arrêter le mouvement de naturalisation. Entre le changement de
nationalité et de religion, il n’y a qu’un pas qui serait, à l’époque, vite
franchi mais ce pas a avorté.
Au Pouvoir Bourguiba n’a ménagé aucun effort pour restaurer nos mosquées en
voie de délabrement surtout si elles ont été le témoin d’une époque riche.
Il a milité pour un Islam « mitoyen » tolérant et ouvert sur l’autre.
Il a crée une structure pour qu’elle forme des Imams ouverts sur la science
et l’histoire et si son effort de rénovation de la pensée islamique ne s’est
pas poursuivi, la responsabilité en incombe à ses collaborateurs pour leur
manque de suivi.
Il a essayé de faire parler les musulmans d’une même voix en s’accordant, en Turquie, sur la fixation scientifique de nos cérémonies religieuses. Rien n’y fit. C’est la cacophonie et la vision du croissant qui prévaut toujours avec en plus l’hypocrisie!
Il a essayé de faire parler les musulmans d’une même voix en s’accordant, en Turquie, sur la fixation scientifique de nos cérémonies religieuses. Rien n’y fit. C’est la cacophonie et la vision du croissant qui prévaut toujours avec en plus l’hypocrisie!
Moi, je dirais que Bourguiba est un véritable musulman et, à cet égard,
j’aime relire, avec un réel plaisir, un passage de la sourate de la vache (
177) : « Etre vertueux, ce n’est point tourner sa face en priant, vers le
levant ou le couchant /L’homme vertueux est celui qui croit en DIEU, au Jour
dernier, aux anges, aux Ecritures, aux prophètes et qui donne de son bien, à
ses proches, nonobstant l’attachement qu’il lui porte, à ses proches, aux
pauvres, aux voyageurs et pour le rachat des captifs ;/c’est celui qui fait la
prière et s’acquitte de l’aumône./Sont vertueux, enfin, ceux qui observent la
foi jurée, font preuve de patience dans l’adversité, dans l’épreuve et face au
péril./Tels sont les justes, par excellence! /Tels sont les hommes pieux ! »
(Essai d’Interprétation du Coran… de Si Sadok Mazigh).
Certes, nous n’avons pas vu Bourguiba assister à toutes les prières du
Vendredi et se montrer en public. Mais personne n’a exploré le fond de son
cœur. C’est une affaire entre lui et son Dieu.
« Relisons notre Coran » et laissons nos morts en Paix.