dimanche 17 mars 2019

Le Front populaire, un exemple à suivre ?




Comme chacun le sait, le FP est un ensemble de partis de gauche qui ont décidé de constituer un front commun autour d’un dénominateur commun qui respecte la spécificité de chacune de ses composantes. Nonobstant cette alliance ce front n’est pas arrivé à constituer un bloc assez puissant légitimant son accès au Pouvoir. Cantonné dans une opposition farouche à presque tout ce que fait le Pouvoir en place  de peur que les éventuelles divergences fassent éclater cette force, il donne l’impression à une fraction de citoyens, qu’il verse dans un négativisme qui ne tient pas compte de la situation d’un pays en crise où tous les efforts sont requis pour le sortir, sans compromission, du marasme. Ce négativisme empêche une partie des citoyens à venir  renforcer ce Front. Mais cette politique simpliste jusqu’à quand devra-t-elle durer? Certains au FP l’ont compris.
 L’élément majeur nouveau a été d’instituer, pour la première fois dans le pays, des primaires  devant départager les deux personnalités appartenant à deux partis différents (poct et watad) et qui se proposent d’être candidats aux présidentielles au nom du Front. Bien entendu les deux candidats proposeront à leurs électeurs des programmes d’actions différents et il semble que le plus jeune (Mr Mongi Rahoui)  d’entre les deux candidats a senti intelligemment le besoin d’une adaptation de la politique du Front  de nature à attirer de nombreuses nouvelles adhésions et de faire bouger les lignes.
Si la base du Front entérinait la nouvelle orientation, on pourrait s’en réjouir si elle comportait une conception beaucoup moins rigide du rôle de l’Etat et donnait davantage d’importance à divers facteurs tels que le travail, la production, la productivité et concevait le droit à la répartition des richesses, une fois produites, comme une résultante de ces facteurs, pas avant.
Ni l’Etat et ni l’entreprise ne seraient plus considérés comme des ennemis à abattre mais de vrais partenaires pouvant pousser, par exemple,  l’entreprise à ouvrir son capital à ses agents.
Une telle évolution serait tentante et amènerait plus d’un à adhérer au Front populaire ainsi rénové.
Nous avons constaté des évolutions similaires dans des pays européens.
Une telle évolution devrait pousser les autres partis, à l’exclusion du parti des islamistes qui a sa propre idéologie et dont on sait les buts, à dépasser leurs égos en se fondant dans un mouvement homogène et à opter pour des primaires qui dégagerait une personnalité représentant ce second front.
La modification du paysage politique qui comprendrait le parti islamique, le Front populaire rénové, le rassemblement souhaité des démocrates progressistes, facilitera grandement le choix des électeurs et éviterait au pays l’abstention et la mainmise définitive du pays, pour longtemps, sans l’ombre d’un doute, du parti Ennahdha, avec toutes les conséquences que cela implique pour notre modèle de société.
Mais pour que les jeunes particulièrement, et les électeurs échaudés, aillent voter, Il reste  des préalables à réaliser pour ressusciter une  confiance émoussée  et créer un nouvel élan. Ils doivent pouvoir croire que les élections de 2019 seront transparentes, amèneront du sang nouveau et donc des idées et une démarche nouvelles marquées par la prééminence de l’intérêt du peuple.
Parmi les préalables à réaliser de préférence, avant les élections, qui pourraient être décalées, si la volonté politique existe, figurent :
-L’ouverture du registre électoral, jusqu’à la veille des élections, pour permettre l’inscription d’une large frange de la société qui semble ne pas être concernée par le devenir de son pays. On ne peut parler de démocratie tronquée.
 Une mobilisation des partis politiques, de la société civile et de l’ISIE est plus que nécessaire. A cet égard, la nouvelle direction de l’ISIE ne semble pas disposée à faire bouger les lignes et préfère se réfugier derrière le respect des procédures et des dates.
-Le second préalable est que la justice doit se prononcer sur l’existence ou non de  « l’appareil secret ». On ne peut aller voter alors que des présomptions d’illégalité pèsent sur certains hommes politiques.
-Le troisième problème est l’épineuse question du financement des partis politiques. Ceux qui sont en charge de contrôler les associations et les comptes des partis doivent faire leur travail. On ne peut accepter que des partis accèdent facilement à des ressources dont la nature est inconnue alors que d’autres n’ont pas suffisamment les moyens financiers de mener leurs campagnes électorales.
-Le quatrième préalable est la modification du mode de scrutin en s’inspirant de ce que propose Monsieur Hachmi Aleya dans son « Kitab » paru récemment, « le modèle tunisien ».
Sa proposition comporte une dose de proportionnelle, une dose d’élections nominatives, à l’échelle locale, des représentants des partis et enfin la nomination directes de certaines personnalités connues pour leurs compétences et leurs expériences dans divers domaines. Cette potion magique est de nature à relever le niveau des débats à l’assemblée, à limiter le nombre des députés et à rendre cette Institution plus efficiente.
A mon avis, mieux vaut introduire ces aménagements au risque de bousculer, faute de temps, les textes, que de reproduire l’expérience de la législature précédente qui a contribué à faire fuir le citoyen de la politique.
Si certains politiciens dont le peuple n’en veut plus parce qu’ils n’ont rien changé, ou n’ont pas pu changer les choses, pourraient défendre, sous de fallacieux prétextes, le maintien du statut quo, refusant ainsi d’instaurer une véritable démocratie et de se sacrifier pour ce pays, il n’y aura pas véritablement des élections susceptibles de tenter l’électeur et le risque islamiste sera au rendez-vous.
Alors, c’est à la société civile de dire non, à sa façon, mais pacifiquement.
17 mars 2019
Mokhtar el Khlifi

samedi 19 janvier 2019

L'heure de la vérité amère a sonné pour tous.


 Oui, l’heure de la vérité amère a sonné pour tous. Pour le Gouvernement, la Présidence, l’ARP, les organisations nationales ( l’UGTT et les deux autres organisations qu’on refuse, curieusement, d’associer à la conduite des affaires du pays, l’UTICA  et la  CONECT) et  bien entendu le peuple.
 Ce Gouvernement doit se rendre compte, comme tous les gouvernements qui l’ont précédé et lui ont légué une lourde ardoise,  que les choix économiques faits avec la bénédiction du FMI, et sans une véritable consultation des parties concernées, doivent être révisés à la lumière de la réalité.
 Nous sommes en mesure de savoir bien mieux que les experts du FMI ce que nous devons faire pour sortir de cette crise qui dure un peu trop pourvu qu’on sache tirer partie de nos nombreuses compétences nationales inexploitées.
Oui, en pure orthodoxie économique, une augmentation des salaires dont l’enveloppe est anormalement élevée, sans production, ni productivité, ne fera qu’alimenter l’inflation et déprécier davantage la monnaie nationale.
 Mais, il y a aussi, cette autre réalité, à savoir que les salaires sont bas et doivent être réajustés car la pauvreté, aujourd’hui, commence même à toucher les classes moyennes des salariés qui souffrent  également du renchérissement du coût de la vie. Les syndicats ont donc raison de faire pression sur le gouvernement pour récupérer, au moins partiellement, un pouvoir d’achat érodé.
Si les gouvernements successifs n’ont pas eu la volonté ou n’ont pas pu remettre l’économie en marche ou au moins laisser entrevoir à tous le bout du tunnel, ce n’est pas la faute des salariés. Oui, Il y a eu des grèves intempestives mais les gouvernements aux commandes n’ont pas réagi par des programmes de développement cohérents pouvant mobiliser les uns et les autres, rétablir la confiance et amener les citoyens  à espérer des lendemains meilleurs.
Le citoyen accepte difficilement, par exemple, que le vieux problème de la CPG et du Groupe chimique, ne soit pas encore réglé à ce jour ce qui nous coûte un argent fou.
C’est au Gouvernement en place, s’il se sent capable de se remettre en cause, ou au Gouvernement qui lui succèdera, d’opérer une révision drastique de la politique économique jusque-là suivie et d’avoir l’aptitude d’en convaincre le FMI. Avec le marasme social comportant en gestation une explosion sociale et une croissance molle, il est  plus qu’urgent de réviser le modèle économique et social.
Tout le monde peut se tromper, y compris les experts du FMI.
 Quant à l’UGTT, elle peut s’enorgueillir d’avoir pu mobiliser une foule immense pour amener le Gouvernement à lui consentir,  sous la pression de la rue, les augmentations de salaires qu’elle veut.
C’est là une lourde erreur de n’avoir pas pu saisir le message du Gouvernement qui a eu le mérite, face à la situation  du pays de s’y opposer
 En supposant un instant qu’elle soit au Pouvoir, l’UGTT, ou celui qui aura sa confiance, ne pourrait pas satisfaire  les revendications  de ses adhérents car leur pouvoir d’achat ne s’améliorera pas tant que  l’investissement ne reprendra pas nettement et que la croissance restera molle.
Que faire ?
S’asseoir  tous  autour d’une table et entamer un dialogue sérieux qui a trop tardé sans se préoccuper outre mesure de la date des élections.
Je ne pense pas que le peuple ira voter sans un assainissement préalable de l’environnement politique et un plan de redressement économique.
 A ce dialogue, il est hors de question de s’en tenir à Carthage 1,2 ou 3  mais de procéder à une analyse réelle de la situation et d’arrêter ensemble les mesures urgentes et à moyen terme à réaliser.
A ce dialogue national devront participer, le Gouvernement, toutes les organisations nationales, tous les partis politiques, y compris ceux de l’opposition, les experts qu’on a laissé au bord de la route et les medias en tant qu’observateurs et témoins pour éclairer le peuple et le mobiliser une fois les mesures arretées.
La situation est telle que  cet atelier de travail  débouchera sur un train de mesures acceptées par l’ensemble des participants à ce dialogue.
En partant du fait qu’une économie purement libérale ou à l’opposé purement étatique, sont à rejeter, Je pense qu’entre les experts de toutes les parties en présence, on parviendra à définir un dénominateur commun sur chaque dossier épineux d’où la nécessité de  concessions à réaliser de part et d’autre.
Au nombre des concessions l’UGTT doit comprendre que la valeur travail, la production  de biens et de services, la productivité et la paix sociale sont des conditions sine qua non pour une nette reprise de l’activité économique  et donc  de la croissance sans laquelle le Gouvernement, n’importe lequel, ne pourra rien redistribuer.
Le Chef du Gouvernement en place, ou celui qui recueillera la confiance des participants, et non la seule confiance de BCE,  devra s’engager à une compression de ses dépenses de fonctionnement, une bonne gouvernance, une lutte véritable contre la corruption, une justice fiscale, une indépendance de la justice, une politique de communication adéquate et une application, à tous, des lois de la République.
Avec une feuille de route claire arrêtée par l’ensemble des  participants, les partis  auront la lourde tâche de mobiliser le peuple dans cet effort national non  exempt de sacrifices.
Quant à l’ARP elle se doit de légiférer rapidement, de voter les lois en suspens dans ses tiroirs et d’éliminer les entraves au développement en substituant ses contrôles a priori par un suivi a posteriori.