Comme chacun le sait, le FP
est un ensemble de partis de gauche qui ont décidé de constituer un front
commun autour d’un dénominateur commun qui respecte la spécificité de chacune
de ses composantes. Nonobstant cette alliance ce front n’est pas arrivé à
constituer un bloc assez puissant légitimant son accès au Pouvoir. Cantonné
dans une opposition farouche à presque tout ce que fait le Pouvoir en
place de peur que les éventuelles
divergences fassent éclater cette force, il donne l’impression à une fraction
de citoyens, qu’il verse dans un négativisme qui ne tient pas compte de la
situation d’un pays en crise où tous les efforts sont requis pour le sortir, sans
compromission, du marasme. Ce négativisme empêche une partie des citoyens à
venir renforcer ce Front. Mais cette
politique simpliste jusqu’à quand devra-t-elle durer? Certains au FP l’ont
compris.
L’élément majeur nouveau a été d’instituer,
pour la première fois dans le pays, des primaires devant départager les deux personnalités appartenant
à deux partis différents (poct et watad) et qui se proposent d’être candidats
aux présidentielles au nom du Front. Bien entendu les deux candidats proposeront
à leurs électeurs des programmes d’actions différents et il semble que le plus
jeune (Mr Mongi Rahoui) d’entre les deux
candidats a senti intelligemment le besoin d’une adaptation de la politique du
Front de nature à attirer de nombreuses
nouvelles adhésions et de faire bouger les lignes.
Si la base du Front entérinait
la nouvelle orientation, on pourrait s’en réjouir si elle comportait une
conception beaucoup moins rigide du rôle de l’Etat et donnait davantage
d’importance à divers facteurs tels que le travail, la production, la
productivité et concevait le droit à la répartition des richesses, une fois
produites, comme une résultante de ces facteurs, pas avant.
Ni l’Etat et ni l’entreprise
ne seraient plus considérés comme des ennemis à abattre mais de vrais
partenaires pouvant pousser, par exemple, l’entreprise à ouvrir son capital à ses
agents.
Une telle évolution serait
tentante et amènerait plus d’un à adhérer au Front populaire ainsi rénové.
Nous avons constaté des
évolutions similaires dans des pays européens.
Une telle évolution devrait
pousser les autres partis, à l’exclusion du parti des islamistes qui a sa
propre idéologie et dont on sait les buts, à dépasser leurs égos en se fondant
dans un mouvement homogène et à opter pour des primaires qui dégagerait une
personnalité représentant ce second front.
La modification du paysage
politique qui comprendrait le parti islamique, le Front populaire rénové, le
rassemblement souhaité des démocrates progressistes, facilitera grandement le
choix des électeurs et éviterait au pays l’abstention et la mainmise définitive
du pays, pour longtemps, sans l’ombre d’un doute, du parti Ennahdha, avec
toutes les conséquences que cela implique pour notre modèle de société.
Mais pour que les jeunes
particulièrement, et les électeurs échaudés, aillent voter, Il reste des préalables à réaliser pour ressusciter
une confiance émoussée et créer un nouvel élan. Ils doivent pouvoir
croire que les élections de 2019 seront transparentes, amèneront du sang
nouveau et donc des idées et une démarche nouvelles marquées par la prééminence
de l’intérêt du peuple.
Parmi les préalables à
réaliser de préférence, avant les élections, qui pourraient être décalées, si
la volonté politique existe, figurent :
-L’ouverture du registre
électoral, jusqu’à la veille des élections, pour permettre l’inscription d’une
large frange de la société qui semble ne pas être concernée par le devenir de
son pays. On ne peut parler de démocratie tronquée.
Une mobilisation des partis politiques, de la
société civile et de l’ISIE est plus que nécessaire. A cet égard, la nouvelle
direction de l’ISIE ne semble pas disposée à faire bouger les lignes et préfère
se réfugier derrière le respect des procédures et des dates.
-Le second préalable est que
la justice doit se prononcer sur l’existence ou non de « l’appareil
secret ». On ne peut aller voter alors que des présomptions d’illégalité
pèsent sur certains hommes politiques.
-Le troisième problème est
l’épineuse question du financement des partis politiques. Ceux qui sont en
charge de contrôler les associations et les comptes des partis doivent faire
leur travail. On ne peut accepter que des partis accèdent facilement à des
ressources dont la nature est inconnue alors que d’autres n’ont pas
suffisamment les moyens financiers de mener leurs campagnes électorales.
-Le quatrième préalable est la
modification du mode de scrutin en s’inspirant de ce que propose Monsieur
Hachmi Aleya dans son « Kitab » paru récemment, « le modèle
tunisien ».
Sa proposition comporte une
dose de proportionnelle, une dose d’élections nominatives, à l’échelle locale,
des représentants des partis et enfin la nomination directes de certaines
personnalités connues pour leurs compétences et leurs expériences dans divers
domaines. Cette potion magique est de nature à relever le niveau des débats à
l’assemblée, à limiter le nombre des députés et à rendre cette Institution plus
efficiente.
A mon avis, mieux vaut
introduire ces aménagements au risque de bousculer, faute de temps, les textes,
que de reproduire l’expérience de la législature précédente qui a contribué à
faire fuir le citoyen de la politique.
Si certains politiciens dont
le peuple n’en veut plus parce qu’ils n’ont rien changé, ou n’ont pas pu
changer les choses, pourraient défendre, sous de fallacieux prétextes, le
maintien du statut quo, refusant ainsi d’instaurer une véritable démocratie et
de se sacrifier pour ce pays, il n’y aura pas véritablement des élections
susceptibles de tenter l’électeur et le risque islamiste sera au rendez-vous.
Alors, c’est à la société
civile de dire non, à sa façon, mais pacifiquement.
17 mars 2019
Mokhtar el Khlifi