2013-08-12
Publié dans Leaders.com
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Ennahdha et consorts se sont rassemblés
à la Kasbah, samedi 3 août 2013, en grand nombre, pour défendre la «légitimité
électorale » et le droit de se maintenir au pouvoir, jusqu’aux prochaines
élections, avec les Institutions actuelles, à savoir l’ANC et un gouvernement
dirigé par le parti Ennahdha. L’opposition, enfin unifiée en un seul
front, a relevé le défi en mobilisant également ses troupes qui ont répondu, le
6 août 2013, très largement et très spontanément, à son appel.
Ce nouveau front revendique la constitution
de nouvelles Institutions considérant que l’ANC n’existe plus de fait vu
son échec cuisant et que le Gouvernement actuel doit démissionner pour laisser
la place à un Gouvernement de salut public plus apte à mener le pays à de
nouvelles élections.
La société civile, l’UGTT, l’UTICA et l’opposition sont unanimes à
exiger la démission du Gouvernement actuel et son remplacement par une équipe
restreinte de personnalités compétentes et indépendantes des partis et qui ne
seraient pas candidates aux prochaines élections.
Toutefois, pour le statut de l’ANC, les avis divergent.
Pour tout politicien responsable, le constat est sans appel. Le peuple
tunisien est profondément divisé, alors que le 14 janvier, il était uni.
Qui l’a profondément désuni ? L’histoire établira la part de responsabilité
de l’équipe au Pouvoir et de l’opposition dans cette désunion, quoique chacun
ait déjà sa petite idée à ce sujet, faits à l’appui.
En admettant que tout le monde, et particulièrement Ennahdha et ses alliés,
sont, d’une part, réellement pour la poursuite du processus démocratique qui
est actuellement dans l’impasse et que d’autre part, ils n’obéissent à aucun
agenda extérieur, alors, il est possible de trouver un terrain d’entente pour
sauver le pays d’une débâcle certaine.
Soulignons-le, Ennahdha n’a nullement besoin d’une table ronde pour
s’engager dans des négociations interminables avec l’opposition, car elle
sait, plus que quiconque, ce que revendique l’opposition qui ne croit
plus aux discussions stériles et aux promesses mais a, aujourd’hui, besoin de
mesures concrètes.
Ennahdha qui est encore, temporairement, au Pouvoir, peut prendre les
mesures qui s’imposent plus que jamais;
- adhérer sans réserve à la charte bannissant toute forme de violence et qu’elle est la seule à avoir refusé de signer,
- commencer par neutraliser les ligues tant anciennes que nouvelles de « protection de la révolution »,
- revenir très rapidement sur les nominations faites dans l’Administration et qui sont bien loin de se justifier par la compétence, mais par l’appartenance au parti, y compris la nomination du mufti,
- reconduire l’ISIE de Kamel Jendoubi laquelle a fait ses preuves, à charge pour ce dernier et son équipe, de proposer les retouches à effectuer à la suite de l’expérience acquise,
- rappeler à l’ordre le Ministre des affaires religieuses pour qu’il assure effectivement et au plus vite, la neutralité des mosquées,
- intégrer dans la quatrième mouture du projet de constitution les doléances de l’opposition puis soumettre la cinquième mouture, à l’avis technique, d’une équipe de constitutionnalistes d’horizons divers.
Les mesures précitées, d’applicabilité immédiate, rétabliront,
sans nul doute, la confiance de l’opposition dans l’équipe au Pouvoir à
mener, à bon terme, le processus démocratique.
C’est à ces conditions que l’opposition ne pourra plus
persister à demander la démission du Gouvernement et l’autodissolution
immédiate de l’ANC.
Je pense que les députés qui ont suspendu leur participation à l’ANC pourront
reprendre, alors, leur activité et participer aux travaux de l’ANC dont les
discussions et le vote de la cinquième mouture de la constitution.
L’ANC aura la mission de voter le projet de loi électorale et la Loi de
Finances pour la gestion 2014.
Une fois sa mission achevée, dans un délai raisonnable, à déterminer
au préalable, elle devra décider sa dissolution ou, au moins, suspendre
son activité.
Quant au Gouvernement, Ennahdha ne pourra pas refuser sa
démission immédiate et son remplacement par ce que demandent unanimement
l’opposition et la société civile.
Ignorer cette exigence, c’est faire fi de la volonté, sans équivoque, d’une
fraction importante et agissante de la société civile.
Le nouveau Gouvernement, une fois constitué et entériné par l’ANC, avant la
suspension de son activité, aura la délicate tâche de conduire le pays vers des
élections transparentes, de poursuivre fermement la lutte contre le terrorisme,
d’engager un processus de réforme de la justice, de la fiscalité et de prendre
certaines mesures de nature à relancer l’économie, sans oublier une action de
rétablissement du crédit de l’Etat tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.
Comme Ennahdha clame qu’elle croit en la démocratie et qu’elle est sûre de
gagner les prochaines élections vu son organisation et son assise populaire,
elle n’a donc rien à perdre à accepter la dissolution de son Gouvernement
et la limitation du pouvoir de l’ANC.
Si par contre, Ennahdha, refuse cette sortie honorable qui prouvera sa
maturité politique et son sens de l’Etat, c’est qu’elle vise réellement son
maintien au Pouvoir par tous les moyens et qu’elle n’est pas prête à le
quitter.
Chacun tirera alors ses conclusions et agira en conséquence au grand
malheur de ce peuple.