jeudi 13 novembre 2014

L'heure du choix a sonné

Tunis le 13/11/2014

Bien que n’adhérant à aucun parti politique, j’ai décidé en mon âme et conscience, de voter pour Nidaa pour les élections parlementaires d’octobre 2014.
Je me suis rappelé qu’après les élections d’octobre 2011, BCE avait, lors d’une cérémonie mémorable, remis sportivement les clés de la Kasbah à Ennahdha.
Je me souviens aussi que la vidéo fuitée par « Nessma » nous avait révélé un entretien amical entre BCE et Jebali  qui sollicitait le point de vue du Premier Ministre sortant sur la composition du nouveau Gouvernement. J’avais déduit que tout allait bien pourvu que cette concertation allait se poursuivre.
Mais nous avons vite déchanté au vu des déclarations et des mesures prises par le parti au Pouvoir ce qui a poussé BCE à sortir de sa retraite et à fonder un rassemblement destiné à faire contrepoids à la force ascendante d’Ennahdha qui s’était engagée sur la pente glissante de la remise en cause de notre histoire et de notre modèle social.
Nous avons eu peur pour nous et pour nos enfants et nous avons soutenu massivement ce mouvement.
Cette peur existera toujours tant qu’Ennahdha n’aura pas tenu son Congrès et modifié sa charte !
Il était donc logique pour moi de voter pour Nidaa aux dernières élections. Mais malheureusement les résultats ont été en dessous de nos espoirs  vu  la courte majorité dont il dispose.
 N’ayant pas la majorité de 109 voix, il devra rechercher des appuis pour constituer laborieusement son Gouvernement et faire passer ses textes de lois.
Si à cette situation peu enviable, vous avez un Président de la république n’appartenant pas à Nidaa, la tâche de ce gouvernement sera encore des plus difficiles. Les uns titreront à Hué et les autres à Dia et c’est le peuple qui souffrira.
La crainte exprimée par certains, d’éviter que Nidaa cumule la Présidence, ne se justifie pas. BCE a remis les clefs de la Kasbah en 2011 alors qu’il aurait pu, ne pas le faire pour une raison ou une autre et se maintenir au Pouvoir.
 C’est une décision qui démontre sa maturité politique et qui est à mettre à son actif  car il a accepté le jeu démocratique.
 Au parlement Nidaa n’a pas les coudées franches.
 Enfin, et surtout le peuple ne se laissera pas faire avec sa société civile en état d’éveil permanent.
Ces raisons font que je ne voterai pas pour les tenants de cette démarche déloyale qui ne s’explique que par leur volonté d’écarter BCE de la course au perchoir prenant ainsi l’électeur pour un imbécile.
J’écarterai les nouveaux venus dans la politique et ceux qui ont travaillé 23 ans avec l’ancien régime sans avoir l’honnêteté et le courage de dénoncer les dérapages dont tout le monde discutait entre quatre murs mais sans en administrer de preuve.
 Ceux-là avaient certainement plus d’une preuve et c’est malhonnête de leur part de cacher des vérités au peuple. Ils ne sont donc pas crédibles et je ne voterai pas pour eux.
Il me reste quatre dont je dois choisir un à savoir, Nabli, Marzouki, Hamma et BCE.
Nabli qui est de formation économique, financière et monétaire a mal choisi son cheval de bataille. A la tête du Gouvernement il pourrait faire beaucoup de choses.
Son attachement à la Présidence avec une volonté de présider chaque conseil des ministres, tenez-vous bien, sera une source certaine de conflits de compétence.
 Si j’étais Premier Ministre je n’accepterais pas qu’il vienne prendre ma place et peser de tout son poids pour modifier des prises de position dans le sens qui lui convient sans omettre les conflits dans les chiffres. Il y aura en fait deux gouvernements, un à la Kasbah et un à Carthage, deux staffs !
Est-ce le rôle du Président de la République d’être toujours à la Kasbah comme si le chef du Gouvernement était un incapable ? Le Président sera en fait le véritable chef de l’exécutif avec cette concentration de pouvoirs. Je ne voterai   donc pas pour lui.
Je ne voterai pas pour Marzouki pour diverses raisons bien qu’il ait été un ennemi juré de Ben Ali et ait eu le courage de l’affronter.
Son expérience au Gouvernement n’a pas été brillante et n’a pas su  ou  pu infléchir Ennahdha quand il était faisait partie de la « Troika ».En outre sa campagne électorale comporte des ratés impardonnables de la part d’un Président qui se déclare en communion avec les LPR (au Colisé les représentants des LPR étaient aux premières loges) et un cheikh à Msaken connu pour ses positions extrémistes. Il a même osé traiter les présidentiables de « taghout ».
Un président qui ne contrôle pas ce qu’il dit et œuvre pour diviser les citoyens ne mérite pas d’être élu.
Hamma est une personnalité des plus respectables et des plus sincères. C’est un brillant défenseur des faibles. Son passé illustre son combat inlassable contre l’oppression et la dictature. Son choix comme Président me tente.
 Mais, car il y a un mais.
 En effet, il n’y a pas que Hamma, il y a derrière lui le front populaire et ses positions radicales surtout en matière économique. A la Présidence, il essaiera de les traduire dans les faits au niveau du Gouvernement et sera de ce fait une source certaine de conflits majeurs. A  mon grand regret, je ne voterai pas pour lui.
Compte tenu de ce qui précède, je voterai donc, in Chaa Allah, pour BCE, la conscience tranquille.
Par cet acte, je m’inscris en harmonie avec mon vote pour le Parlement. Je renouvèle ainsi ma confiance à l’homme qui a eu l’initiative et pu, en si peu de temps, contrebalancer Ennahdha pour le bien de la démocratie. Il est entouré par une pléiade de compétences .Il a un programme politique et économique ce qui ne l’empêche pas d’en discuter avec les autres partis avant de former un Gouvernement qui ait le soutien  de la majorité du peuple.
A la Présidence, il n’interférera pas dans les affaires du gouvernement et aplanira plutôt les éventuelles difficultés et lui rappellera, si besoin est, ce qui a été convenu avec les partis.
Sur le plan intérieur, Il  a  administré la preuve qu’il est apte à gérer les situations difficiles et à préserver la sécurité du pays au moment de la révolution libyenne. On ne change pas une personne qui a fait ses preuves et n’a rien à apprendre.
 A l’extérieur, avec son savoir-faire, il saura recueillir l’appui politique et financier des bailleurs de fonds publics et privés nécessaires au Gouvernement pour relancer la croissance dans l’intérêt de toutes les régions et de toutes les couches sociales.
 Enfin, il n’aspirera pas à un nouveau mandat, contrairement aux « jeunes » loups.

J’ai fait mon choix. C’est mon droit et ma conscience est tranquille. Je souhaite ne pas avoir à le regretter tout en soulignant, à l’intention de BCE et de son équipe, que nous descendrons dans la rue pour vous « dégager » si vous dérapez !

lundi 10 novembre 2014

Ennahdha, tenez votre Congrès!


Il faut avoir le courage et l’honnêteté intellectuelle de féliciter ses adversaires politiques lorsqu’ils prennent des décisions dans l’intérêt du pays.
Ennahdha vient de prendre encore une décision qui l’honore suite à la réunion de son «Majliss Echoura».
Elle revient sur sa proposition initiale de soutenir une personnalité bien déterminée et de laisser à ses adhérents la liberté de choisir le candidat à la présidentielle qui réponde le mieux aux objectifs de la «révolution».
Comme Ennahdha est traversée par plusieurs courants contradictoires, il est attendu que les votes pourront aller, apparemment, de l’abstention, au vote même pour Nidaa ou pour un autre candidat.
Dans quelles proportions? Ou est-ce que la consigne réelle est de voter contre Nidaa? Dieu seul le sait.
Nous ne sommes pas au courant des discussions au sein du «Majliss Echoura», mais il semble que le Cheikh, fin stratège, a, encore une fois, pesé de tout son poids pour éviter une future confrontation avec Nidaa ce qui rendrait leur cohabitation  des plus difficile, ce qui est contraire à l’intérêt du pays.
Il faut reconnaitre que ce Cheikh est un grand manœuvrier en politique et il faut lui reconnaitre son aptitude à prendre les bonnes décisions  compte tenu de la situation politique, des rapports de forces et de l’intérêt supérieur du pays.
Faut-il rappeler qu’il a tranché en ce qui concerne l’insertion de l’épineuse question de la «Chariaa»  dans la Constitution?
Ce Cheikh a également considéré que la femme ne peut être que l’égale de l’homme et non son «complément » et reconnu le Code du statut personnel. Il est vrai que les femmes ont manifesté dans la rue!
Il  refuse, aujourd’hui, de balayer d’un revers de main l’histoire nationale de la Tunisie et ne dénigre plus Bourguiba. C’est à son actif.
Sous la pression de la rue (Ettahrir, le Bardo) et sa lecture des événements d’Egypte, il a enfin opté pour le «dialogue national»  et la mise sur place d’un Gouvernement de technocrates, pour apaiser les tensions et éviter les dérapages possibles et se préparer pour les élections.
Sans ces décisions majeures, nous n’aurions pas abouti à confectionner une Constitution acceptable pour tous et la tenue d’élections libres et démocratiques qui vont bientôt s’achever.
Tout indique qu’Ennahdha est en train d’évoluer vers un parti qui effraie de moins en moins les tunisiens.
Ce sont là des faits mais rien n’est moins sûr que les choses ne changeraient pas, surtout après la disparition du Cheikh et que nous ne souhaitons nullement.
Il n’est pas exclu que les «faucons » reprennent du poil de la bête surtout que si de nouvelles élections leur donnent, demain, une majorité confortable, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Le tunisien demande au Cheikh de consolider ce changement en tenant son Congrès pour modifier sa charte dans le sens de l’évolution amorcée.
En effet, son dernier Congrès ne s’est pas prononcé sur certains points fondamentaux  préférant les reporter à plus tard.
Je crois que le moment est venu.
En excluant l’interférence du religieux dans le politique, en rejetant clairement l’Islam importé et en optant pour un Islam modéré à la tunisienne, Ennahdha donnera le meilleur gage de son ouverture.
C’est à cette condition que, personnellement, je changerai d’idée sur ce parti idéologique, car j’ai toujours à l’esprit le contenu de cette fameuse vidéo du Cheikh à «ses enfants salafistes» ainsi que celle du Cheikh Mourou avec Ghnim, le défenseur de l’excision.

Mokhtar El Khlifi

dimanche 2 novembre 2014

Devoir national et réalisme politique


Tunis le 30 octobre 2014
Article publié dans Leaders.com

Les urnes ont fait tomber leur verdict impitoyable qui ne satisfait personne. Une très courte majorité pour Nidaa, talonné par le puissant parti d’Ennahdha  qui perd la majorité au Parlement, l’émiettement, voire le laminage des forces démocratiques qui ont fait une mauvaise lecture de la situation et enfin l’exclusion des partis RCDistes.
Pour Nidaa qui a remporté ces élections sans grand panache, c’est un cadeau empoisonné dans la mesure il parviendra difficilement à constituer une majorité au Parlement avec ses 85 sièges sur 217.Il devra chercher 24  voix pour avoir la majorité  requise de 109 voix.
A mon sens, il lui est difficile de compter sur les seules voix (15) du Front Populaire en raison de son programme économique trop à gauche et avec une orientation peu enviable pour une reprise de l’investissement national et surtout étranger. Remettre en cause le règlement de la dette tunisienne est un obstacle majeur à difficile à surmonter.
Peut-il compter sur les voix (17) d’UPL ? Déjà les déclarations de certains dirigeants de Nidaa montrent qu’ils ne « gobent » pas ce parti et lui dénient même la qualité de parti qui  se montre déjà un peu trop gourmand puisqu’il réclame, à grands cris, des postes importants (économie, Finances que sais-je encore ?) que Nidaa n’est pas prêt de les lui accorder car il foisonne de compétences.
Nidaa pourrait, sur la base d’un programme clair, constituer un noyau dur avec Affek. Mais les 8 voix d’Affek sont insuffisantes pour constituer une majorité.
Nidaa ne pourra pas compter sur les autres petits partis, à moins qu’il court le risque d’une instabilité gouvernementale.
Restent les voix d’Ennahdha (16 voix sur 70) pour  atteindre une majorité stable composée de Nidaa (85 voix, Affak 8 voix, Ennhdha 16).
Là y a des obstacles majeurs à dépasser. Nidaa perdra la confiance de ceux qui lui ont accordé leur confiance pour contrebalancer  « l’ogre » qui s’est engagé à remettre en cause leur modèle de société. Ce dernier sera-t-il prêt de tenir un Congrès pour amender sa charte qui devra montrer qu’il s’est démarqué des frères musulmans et qu’il a décidé de faire une nette séparation entre le politique et le religieux ?Le Cheikh qui a montré, plus d’une fois, son réalisme politique ( question de la « chariaa »,complémentarité de la femme, révision du projet de Constitution du  1ER Juin (dont s’est enorgueilli MBJ), acceptation enfin du dialogue National, démission du Gouvernement etc.) est en mesure de le faire. Mais sa base est-elle prête de le suivre ?
Que reste-il à faire pour BCE ?
A mon sens, il s’orientera tout droit vers la constitution d’un Gouvernement de technocrates indépendants qui appliquera un programme économique et social arrêté par les partis et les principales composantes de la société civile (UGTT et UTICA ) d’où l’urgence qu’il y a à remettre en selle le « Dialogue National » autrement composé.
A mon avis, cet organe devrait comprendre, outre les représentants des principaux partis politiques, ceux des partis historiques qui ont été écartés par la technique du « vote utile » et des représentants de la société civile.
Le programme économique et social de Nidaa servira de base de discussion. Un dénominateur commun devra être dégagé et c’est ce nouveau programme qui servira de cadre à l’action du futur Gouvernement. Ce  cadre sera soumis, bien entendu, à l’approbation du Parlement.
Je pense qu’en dehors de cette démarche, il n’y a point de salut car on engagera le pays dans une ère de turbulence dont on fera bien de faire l’économie !
Inutile de rappeler que le pays attend des réformes importantes et parfois douloureuses pour que le pays soit remis sur les rails.
Le pays a vécu l’expérience d’absence de vision économique, de la mollesse, des tergiversations, de la peur de prendre les grandes décisions et des contradictions entre les trois composantes du Pouvoir surtout avant le Gouvernement Jomaa ( affaire Baghdadi ) à qui nous devons lui rendre un vibrant hommage pour avoir conduit le pays vers des élections saines et hautement sécurisées grâce au concours de notre armée et de nos forces de sécurité que nous félicitons bien vivement.
Nous avons besoin d’un Pouvoir politique fort, sans être dictatorial, pour  redresser le pays et le remettre sur la voie du travail et de la productivité qui conditionnent une redistribution équitable des richesses produites entre les citoyens et les régions.
Les élections présidentielles approchent à grand pas. Les candidats sont relativement nombreux.
Ceux qui ont perdu les élections législatives par égo, recherche du Pouvoir ou mauvais calcul politique doivent avoir la pudeur de s’écarter vu leur poids politique réduit à la portion congrue au lieu de brandir l’épouvantail du retour à la dictature, ignorant à dessein, qu’après le 14 janvier 2011, ni les institutions mises en place, ni le bon et courageux peuple tunisien avec sa vaillante société civile, ni sa presse libre et courageuse, parfois à outrance, ne le permettront plus, plus jamais !.
Aux « indépendants » que les élections ont montré qu’ils n’ont plus de base pour les soutenir, d’avoir le courage de se désister et de se réserver pour d’autres fonctions au service de ce pays meurtri. Nous leur en serons reconnaissants.
Ce comportement responsable nous permettra de conforter le résultat des élections législatives et de nous faire gagner un temps dont le pays a tant besoin.
Renouvelons notre confiance à ceux que le peuple a désignés pour conduire le pays, faisons en sorte qu’ils bénéficient d’un préjugé favorable mais restons toujours aux aguets pour redresser la barre.

Vive la Tunisie !!!