C’est en regardant, hier, la fameuse
émission « Limen yajraou fakat » du 13 mars 2015 que j’ai eu l’idée d’écrire
cet article.
Nous avons tous suivi l’itinéraire
de cette dame qui a perdu ses deux grandes filles, et à un moindre degré leurs
cadettes, qui ont été happées par
l’extrémisme religieux qui a su profiter
du désaccord au sein du couple et de la sévérité de la mère pour les embrigader
et abuser de leur jeunesse.
Il a suffi d’un laps de temps, fort
court, pour que deux grandes filles qui n’ont pas atteint la puberté endossent l’une après l’autre, l’habit
religieux et adoptent le langage des extrémistes qu’elles ont appris dans les
tentes de prédication et les brochures distribuées, au vu et au su de l’Etat.
Elles ont fini par atterrir en Libye à
Syrte et peut-être pour l’une d’elle en Syrie.
Il y a eu aussi le cas de ce jeune
homme qui a réussi ses études supérieures mais n’a pas trouvé du travail. Bien
que bénéficiant du soutien matériel de ses parents, ce qui n’est pas le cas de
la famille précédente, il s’est
métamorphosé, en très peu de temps, en endossant la jellaba et en changeant de langage. Nonobstant le
fait que le brave père lui ait monté un projet rentable, clefs en mains, il a
fini par quitter le pays pour la Libye.
Cela se passait sous la
« Troika » et plus précisément sous Ennahdha.
Ces victimes du terrorisme ne sont
pas les seules. Elles se comptent par milliers.
Ce grave dérapage vers l’extrémisme
s’est fait avec la bénédiction du Pouvoir en place sous le couvert d’une
« révolution » qui n’a réclamé que plus de justice sociale et de
dignité et non la remise en cause de notre modèle social.
Il va
falloir, un jour, déterminer les responsabilités des uns et des autres.
Si ce n’est pas la justice transitionnelle,
plutôt préoccupée par le leg de Bourguiba, ce sera l’Histoire et son verdict
sera des plus sévères.
Nous ne voulons plus que ces dérives
se répéteront un jour.
Aujourd’hui, nous constatons tous
qu’Ennahdha, qui prépare son Congrès, a
viré de de langage de180 degrés. Vous êtes étonnés par les prises de position
adoptées par ses dirigeants au point qu’on ne distingue plus celui qui
appartient à Nida, ou ce qu’il en reste, et celui qui défend Ennahdha.
Il serait naïf de croire que leurs
convictions intimes se soient transformées, du jour au lendemain, suite à la
fameuse rencontre de Paris qui a scellé le destin du pays.
Ma conviction intime est que le
Premier responsable d’Ennahdha, politicien intelligent, pragmatique et savant
attendre, a opéré un repli tactique simplement pour ménager l’avenir de son parti et asseoir solidement son emprise
sur le pays.
En fait, si les dirigeants ont, pour
le moment, suivi leur chef, c’est moins sur pour la base du parti.
On aura beau nous dire que le
prochain Congrès fera la séparation entre le politique et le religieux ce qui
avec la Constitution, telle que rédigée actuellement, le caractère civil de
l’Etat sera garanti. Mais tout le monde sait que cette Constitution résultant de
tractations et de concessions, contient des ambiguïtés qui peuvent être
exploitées dans un sens ou dans l’autre.
Quant au parti, une fois au Pouvoir,
une branche dont elle serait issue interférera dans le religieux et ainsi la
forme sera sauvée. Cette dérivée comportera, sans conteste, Cheikh Mourou qui a
confié, rappelez-vous bien, à l’homme qui prêche l’excision des femmes, sans
doute mécontent, que notre « action » doit cibler les jeunes car
leurs parents ont pris le mauvais pli et il n’y a à attendre d’eux.
L’avenir de ce pays dépend donc de
l’opportunité qu’il y aurait de laisser à des émanations d’un parti le soin de
réislamiser la Tunisie par ses prêches
ce qui nous ramènera à la case de départ.
Doit-on accepter ce principe ?
Où doit doit-on réserver le domaine religieux à l’Etat, c'est-à-dire au
Ministère des affaires religieuses, une fois un cadre d’actions mis en
place ? Ou à la limite à une autorité indépendante de L’Etat et de tous
les partis politiques ?
Toute la question est là.
C’est pourquoi je m’adresse au
Ministère des Affaires religieuses pour lui demander d’expliciter la politique
qu’il entend suivre en matière religieuse durant cette législature.
Le cadre d’actions pourrait
comporter plusieurs points à respecter :
-Le Coran qui demeure notre texte de base doit être lu d’une
manière uniforme. A cet égard, pourquoi ne pas éditer une nouvelle mouture
Coran qui comprendra soit des renvois, soit en annexe des compléments
explicatifs qui lèveront toutes les erreurs de lecture et
d’interprétation?
Ce travail serait confié à une commission qui
comprendrait outre les cheikhs zeitouniens,
nos penseurs éclairés. ( Mr Youssef Essedik et autres…)
-Assurer une formation complète des
nouveaux Imans et recycler les anciens
qui seraient prédisposés à le faire,
-Suivre le prêche de nos Imans,
opérer les redressements qui s’imposent et écarter de nos mosquées les imams
extrémistes.
-Lancer une Chaîne de télévision à
caractère historique, civilisationnel et religieux, à audience maghrébine et
européenne, à l’effet de diffuser un discours religieux expurgé de toute fausse
interprétation et de tout extrémisme et ouverte aux débats contradictoires.
-Revoir les manuels scolaires et
réviser à la hausse les coefficients des matières religieuses.
Ce cadre, s’il était mis en place,
servirait de rempart à l’islamisme rampant. Il n’y aurait plus de justification
pour que des partis politiques prennent leurs bâtons de pèlerin pour nous « reislamiser »
à leur façon en créant leurs branches religieuses.
Le second garde fous consiste à ce
que la société civile qui a montré son dynamisme et sa maturité trouve le cadre
idoine et une structure pour faire passer ses messages au citoyen et à ceux qui
nous gouvernent, surtout.
Oui, ceux qui nous gouvernent
croient, à tort, détenir, seuls, la vérité et ont montré qu’ils ne tenaient
aucunement compte de la position de la société civile bien qu’elle soit en
avance sur eux.
Aussi, de même qu’il y a un
« Parlement pour les enfants », la société civile a un cruel besoin
d’un Parlement bien à elle.
Y feront partie, les associations, nos
penseurs, poètes, artistes et écrivains, nos experts et vieux routiers de
l’Administration et des entreprises, nos entrepreneurs dans les divers secteurs
de l’activité économique dont les avis peuvent être utiles et nous faire gagner
du temps.
L’exécutif et le législatif seront
tenus, par la loi, de consulter ce nouvel organisme et de justifier leurs
prises de position contraires à l’avis émis.
Mokhtar el khlifi
14/03/2016