mercredi 18 juin 2014

Il y a péril en la demeure



      
On se souvient des principales causes qui ont conduit Ennahdha à réussir aux élections du 23 octobre 2011 et à prendre le Pouvoir en associant deux partis laïques pour s’assurer une couverture démocratique, surtout, aux yeux de l’opinion internationale. Chacun sait que durant l’exercice de son pouvoir elle a tenté de remodeler notre modèle de société. La graine a été semée et le Gouvernement Jomâa éprouve les plus grandes difficultés à remettre le compteur à zéro.
Il est à craindre que les mêmes causes vont produire les mêmes effets pour les prochaines élections si les partis politiques qui sont contre le changement de notre modèle de société ainsi que la société civile n’y prennent pas garde.
A mon humble avis, le sort des prochaines élections demeure tributaire de l’action qui serait entreprise par les forces politiques au cours du mois qui suit les inscriptions aux listes électorales qui seront définitivement clôturées à l’expiration de ce mois fatidique.
Tout se joue sur l’aptitude des forces «laïques» toutes tendances confondues à puiser dans le réservoir des 60% environ dégagés par les différents sondages d’opinion et qui n’ont pas encore fait leur choix, soit en étant peu enclins à s’inscrire sur les listes électorales, soit en penchant vers l’abstentionnisme.
Comme Ennahdha est un grand parti structuré, organisé, et discipliné et ses objectifs sont clairs, il fera tout pour renforcer son assise électorale auprès des indécis en invoquant pas mal d’arguments, par exemple, le fait que sans lui la «charia» aurait été inscrite expressément dans la Constitution, que la femme aurait été  «complémentaire» de l’homme, que la Constitution dans sa seconde mouture contraste avec la première et que MBJ a qualifiée de «meilleure Constitution au monde». Elle dira que sans sa participation au «dialogue national», elle serait encore au Gouvernement et que le Gouvernement de «technocrates» qui lui a succédé n’a pas pu faire économiquement mieux.
Toutes ces «concessions» ne justifient-elles pas une adhésion à ce parti!
Que feront les «laïques»? qu’ont-ils préparé? Rien ou presque.
Bien au contraire, ils se présentent encore une fois en rangs dispersés.
Premier échec, les élections parlementaires précèderont la présidentielle. Ennahdha a voulu qu’il en soit ainsi et ce fut. Examinez les votes des «laïques». C’est consternant.
Les amis d’hier qui ont tenu ensemble, comme un seul bloc, le fameux meeting «d’Errahil», sont aujourd’hui dispersés parce chacun veut un siège au Parlement ou la Présidence et pourquoi pas les deux pour certains qui prennent les sondages pour de l’argent comptant !
Tous refusent de lire les seules tendances exprimées par les sondages successifs. Leurs égos les poussent à croire en leur chance sacrifiant le fond du problème qui  est le maintien de notre modèle de société.
Là réside le véritable enjeu de ces élections car le modèle économique à adopter  peut et doit recueillir l’assentiment de toutes les forces politiques «laïques».
En effet, aucun parti politique ne peut défendre une politique ultra libérale ou pire, une politique économique, progressiste à l’extrême, qui bloque le développement économique du pays. Soutenir le contraire, c’est faire preuve de démagogie électoraliste, ni plus, ni moins ou de cécité politique.
Il y a véritablement péril en la demeure face à ces tensions  à l’intérieur des «laïques» et que ne justifie aucunement l’intérêt supérieur du pays.
Peut-on espérer des regroupements de dernière minute? Ne saurait-on pas enfin qu’il y un seul poste de Chef de Gouvernement et un seul pour la Présidence et qu’en politique, c’est le réalisme qui demeure la règle? Auront-t-ils le courage de préparer une plateforme électorale commune et de la défendre chacun de son côté?
Ces prétendus leaders politiques accepteraient-ils de céder leur place à l’un de leurs rivaux politiques pourvu qu’il présente de larges chances d’emporter l’adhésion populaire  et ce une fois qu’un programme politique, social et économique commun aurait été préalablement convenu entre eux en dehors de toute idéologie désuète? Le bon sens et l’intérêt supérieur de ce pays le commandent.
Ce serait un miracle si M.M Hamdi, Hamma Hammami, Néjib Echabbi, Mustapha Benjaafar, BéjiCaid Essebsi, notamment, mesuraient les véritables enjeux et s’entendaient enfin pour se présenter en un seul bloc !
En dehors de ce choix, le chemin est semé d’embûches.
Par ailleurs, que les partisans d’Ennahdha sachent que nous ne nourrissons aucune haine à leur égard et qu’il y a une place pour eux dans la vie politique mais le modèle social importé qu’ils désirent nous imposer, même à doses homéopathiques, nous effraie et  nous voulons nous en prémunir. Souhaitons pour eux que leur Congrès tranche enfin le rôle de la religion dans la politique et la cohabitation politique sera alors des plus sereine.
Nos politiques ont la lourde responsabilité de choisir entre l’Union des forces progressistes et démocratiques ou la désunion avec tous les risques qu’elle comporte. A eux de tirer les leçons de notre histoire récente !
C’est l’espoir que je formule et je me crois autoriser de rêver les yeux ouverts.
La situation regrettable que nous vivons ne nous empêche nullement d’inciter nos enfants à s’inscrire et aller voter quelles que soient les conditions de l’environnement électoral, bon ou mauvais.

Mokhtar El Khlifi
article publié dans Leaders.com.tn le 17/06/2014